L’IA débarque dans la construction

L’Intelligence Artificielle est aujourd’hui prête à s’inviter sur chaque chantier. Vision par ordinateur, IA générative et machine learning s’intègrent aux logiciels BIM, aux plateformes de gestion et aux capteurs IoT. Leur rôle : analyser les données plus vite qu’un humain et suggérer des actions concrètes.

Concrètement, cela signifie :

• produire un compte rendu de réunion en quelques secondes
• compter les barres d’armature sur une simple photo
• prédire une dérive de planning ou de coût avant qu’elle ne soit visible sur site
• créer un jumeau numérique qui aide à la maintenance prédictive.

Comprendre ces usages n’est plus optionnel. Les entreprises qui adoptent tôt l’IA réduisent déjà leurs erreurs, raccourcissent leurs délais et améliorent leurs marges. Dans cet article, vous découvrirez des exemples testés, des gains concrets, et une méthode pour passer du test au déploiement.

Pourquoi parler d’IA dans la construction maintenant ?

• Selon le rapport « AI Adoption in AEC 2025 Report » de BDC Network publié en mars 2025, 53 % des bureaux d’architecture ou d’ingénierie déclarent employer au moins un outil d’IA, contre 38 % un an plus tôt.
• La pression sur les marges et les délais pousse les entreprises à automatiser les tâches répétitives.
• Les fournisseurs de solutions BIM intègrent nativement des briques IA. Ignorer cette vague, c’est risquer de perdre en compétitivé.

⚠️ Un mot sur la confidentialité

Si vous utilisez un assistant basé sur un LLM (comme ChatGPT), vos informations peuvent transiter sur des serveurs distants, être stockées temporairement, voire réutilisées pour entraîner le modèle. Cela pose des questions sérieuses de confidentialité, en particulier si vous manipulez des plans, des coûts, des contrats ou des données personnelles.

Pour éviter les mauvaises surprises :
– désactivez l’entraînement par défaut dans les réglages de l’outil
– privilégiez les solutions hébergées en local ou sur un cloud souverain
– ne transférez jamais de fichiers critiques sans savoir où ils partent

Nous détaillerons ces enjeux dans la section dédiée aux LLM communs.

📱 Sur le terrain : pour suivre, contrôler, décider

Sur le chantier, l’intelligence artificielle se glisse dans les caméras, les applications mobiles et même les équipements de protection. Son objectif : faire gagner du temps aux équipes terrain, réduire les erreurs et déclencher les bonnes actions avant que le problème ne coûte cher.

CountThings : Comptage instantané de matériaux

Avec CountThings, un simple smartphone suffit pour compter automatiquement des barres d’armature, des bastaings ou des briques sur une photo. L’algorithme détecte chaque élément, affiche le total en quelques secondes et exporte le résultat vers Excel ou ERP. Plus besoin de compter à la main ou de recompter après une erreur de saisie. Le taux de fiabilité dépasse 95 % après calibrage du modèle.

Comment ça marche ?

1. L’appli utilise des modèles pré‑entraînés (« Counting Templates ») optimisés pour les matériaux de construction : barres d’armature, briques, bastaings, câbles,…
2. L’utilisateur prend une photo. Le modèle détecte chaque élément et affiche le total en moins de cinq secondes.
3. Si l’objet est atypique, on peut affiner le modèle en prenant 10‑20 photos supplémentaires. La plateforme recalcule un modèle spécialisé, sans code.

Vertuoza : Gestion de chantier et pilotage d’entreprise

Vertuoza intègre VertuoAI, un assistant vocal qui automatise devis, avenants et factures.

Comment ça marche ?

1. Sur le chantier, vous dictez le projet dans l’app mobile ; VertuoAI transcrit, interroge votre bibliothèque de prix et génère un devis complet en ≈ 30 s.
2. L’IA propose les conditions et remarques et reste éditable avant l’envoi.
3. Besoin d’un avenant ? Dites‑le : en 2 min, la ligne est créée et chiffrée.
4. Quand une facture fournisseur arrive (PDF ou photo), l’IA l’associe au bon chantier et met à jour les marges en temps réel.
5. Les données alimentent le tableau de bord ; l’algorithme signale toute dérive de coût ou de stock.

Buildots : Suivi d’avancement automatique

Buildots équipe les ouvriers de casques avec caméras 360°. Les vidéos sont comparées chaque jour à la maquette BIM : l’IA détecte les éléments manquants, les écarts de planning et les retards cachés. Résultat : des alertes précises, visuelles, et une vraie capacité à anticiper les blocages. Certaines équipes ont réduit de 30 à 50 % leurs écarts de planning en quelques mois.

Depuis peu, Buildots intègre aussi Dot, un assistant conversationnel. En tapant « Quel est l’état d’avancement des cloisons au 3e ? », l’IA fournit une réponse visuelle, à jour, avec photos, comparaison BIM et planning cible. Fini les exports CSV ou les recherches dans des tableaux complexes.

Oculo : Documenter le chantier avec une caméra 360

Développée au Royaume-Uni, Oculo associe des caméras 360° portées par les artisans ou les conducteurs de travaux à une plateforme d’analyse visuelle. À chaque passage, l’IA génère une vue immersive du chantier, horodatée et géolocalisée. Cela permet de documenter automatiquement les étapes critiques : pose de l’isolant, continuité du pare-vapeur, etc.

La plateforme conserve un historique visuel consultable à tout moment, utile pour prouver la conformité ou reconstituer les conditions d’un sinistre. À la différence de la simple captation vidéo, l’IA d’Oculo détecte les zones non inspectées, signale les oublis de documentation, et crée un fil de suivi cohérent. Une solution pensée pour le terrain, compatible avec les contraintes de confidentialité européennes.

Matterport : Relevé d’existant et jumeau numérique

Matterport Cortex AI transforme des photos 360° en maquettes 3D exploitables. Il reconnaît automatiquement les pièces, les ouvertures, les volumes, et propose des plans 2D/3D en quelques heures. La nouvelle fonction “Démeublement” permet même, comme son nom l’indique, de démeubler virtuellement une pièce pour retrouver murs et sols masqués. Pour les gestionnaires de patrimoine ou les entreprises de rénovation, c’est un gain énorme en relevé initial.

💻 Au bureau : des assistants IA pour gagner du temps (et éviter les oublis)

Contracto : des contrats sans risque

Contracto est une solution spécialisée dans l’analyse automatisée des contrats pour les entreprises de la construction. Elle compare vos offres et cahiers des charges avec des référentiels standards ou vos propres règles internes. Résultat : vous identifiez en quelques minutes les clauses manquantes, les risques cachés, ou les conditions atypiques, là où un œil humain pourrait passer à côté. Le logiciel compile tous les documents (annexes, spécifications techniques, conditions générales) et les confronte de façon globale, pour garantir que votre offre est conforme à 100 %.

Dans un secteur où chaque omission peut coûter des milliers d’euros voire provoquer des litiges, Contracto apporte un double avantage :

1. Sécurité juridique renforcée, en détectant automatiquement les écarts avec les exigences contractuelles.
2. Gain de temps considérable, en évitant la relecture manuelle fastidieuse de tonnes de pages administratives.

Intégrable facilement à votre méthode traditionnelle, il se concentre uniquement sur l’analyse contractuelle, sans alourdir vos process. Une réponse concrète à un problème trop souvent laissé de côté : la comparaison rigoureuse entre offre et cahier des charges.

Autodesk Forma : Une IA au service de la conception architecturale

Autodesk Forma intègre l’IA dès les premières esquisses du projet, bien avant l’étape du BIM détaillé. En temps réel, l’outil évalue les performances environnementales d’un bâtiment à mesure que vous dessinez : analyse du vent, du bruit, du rayonnement solaire, et estimation du carbone incorporé. Cela permet aux architectes et urbanistes de tester des orientations ou des volumes avant même de lancer un calcul thermique ou un STD.

Sa fonction de génération de variantes est particulièrement puissante : en fixant des contraintes simples (surface utile, budget cible, gabarit urbain), l’IA explore des centaines d’options et affiche celles qui maximisent les critères choisis. C’est un moyen rapide d’ouvrir le champ des possibles sans multiplier les versions manuelles.

Pour les études de quantitatif, Forma inclut aussi une détection automatique de symboles. Il suffit de tracer une fois un pictogramme (ex. prise RJ45, luminaire, bouche de ventilation), et le module IA détecte et compte toutes les occurrences sur le plan. Un gain de temps énorme pour les premiers métrés.

Enfin, Autodesk pousse l’intégration avec Revit grâce à un assistant conversationnel. Tapez « Comment filtrer toutes les dalles béton de type préfabriqué ? » et l’outil propose directement la commande à exécuter dans Revit. Ce pont entre Forma et Revit fluidifie le passage de la phase amont à la maquette BIM détaillée, avec moins de rupture d’information.

BIMLOGIQ : L’intelligence artificielle embarquée dans Revit

BIMLOGIQ est un plugin IA conçu pour les utilisateurs intensifs de Revit. Il agit comme un copilote natif, capable de comprendre vos requêtes en langage naturel et de les traduire en actions concrètes dans le modèle. Par exemple, en tapant « importe les quantités depuis Quantités.xlsx », l’IA nettoie automatiquement le fichier, ajuste les unités, mappe les colonnes aux bons paramètres Revit, et applique les valeurs aux objets concernés. Plus besoin de scripts Dynamo ou de macros complexes.

La fonction Smart Annotation permet, quant à elle, de générer en un clic toutes les annotations et cotations nécessaires pour une vue. Deux modes sont proposés : un mode rapide « on-device » pour les mises en page internes, et un mode cloud optimisé pour la publication (plans DCE ou DOE). Le tout reste compatible avec les disciplines Structure, Archi et MEP, sans ajustement manuel.

Côté gestion de projet, BIMLOGIQ se distingue aussi par ses outils de cohérence et de qualité des données. Les styles d’étiquettes sont centralisés pour garantir une charte graphique homogène, et l’IA peut générer automatiquement des règles de validation (regex) pour vérifier les propriétés techniques : noms d’équipements, typologies de pièces, codification des matériaux, etc.

C’est un outil qui réduit drastiquement le temps de production de livrables tout en améliorant la fiabilité des données livrées. Une solution précieuse pour les bureaux d’études techniques, les BIM managers ou les maitres d’œuvre qui travaillent sous pression de planning et de qualité.

Les grands modèles de langage pour le quotidien

Les grands modèles de langage ou LLM comme ChatGPT, Claude, Gemini ou Microsoft Copilot, deviennent des assistants à tout faire dans les équipes AEC. Ils ne nécessitent aucune compétence en IA, juste un peu de méthode pour bien formuler sa demande.

Cas d’usage :

• Génération de scripts Dynamo ou Python : « Écris un script qui renomme les vues Revit selon {niveau}_{discipline} ». En quelques secondes, le code est commenté, structuré, prêt à tester.
• Comptes-rendus automatiques : Copilot dans Teams identifie les décisions, les actions à suivre, et les répartit par lot ou par intervenant.
• Traduction technique : ChatGPT reformule un descriptif produit en français à partir d’une fiche néerlandaise, tout en harmonisant les termes avec vos gabarits BIM.
• Rédaction d’e‑mails : Copilot dans Outlook propose une relance claire et professionnelle, en reprenant les échéances extraites d’un tableau de planning.

⚠️ Bonnes pratiques ⚠️

• Confidentialité : Si vous utilisez un LLM en ligne (via navigateur ou API), vos données transitent sur des serveurs que vous ne maîtrisez pas. Pour éviter toute fuite ou réutilisation, privilégiez une version entreprise ou hébergez localement un modèle open-source. Certaines plateformes, comme Azure OpenAI, offrent des garanties strictes (pas d’entraînement, stockage en Europe).
• Vérification : Les LLM peuvent produire des erreurs ou “halluciner” une information technique. Ne les laissez jamais valider un devis ou une formule sans relecture humaine.
• Prompts structurés : Pour des résultats fiables, soyez précis. Rôle attendu, contexte du projet, exemples concrets, format de sortie… tout compte. Pensez à versionner vos meilleurs prompts.

Conseils pour passer du test à l’intégration

1️⃣ Cartographier vos processus

Listez les tâches chronophages, répétitives ou source d’erreurs. Exemples : comptage de barres, retranscription de PV, extraction de quantités, suivi de planning.

2️⃣ Choisir un cas pilote à fort retour

Optez pour une tâche simple à mesurer. Ex. : automatiser le comptage de ferraillage sur les zones de stockage pour gagner 30 min/jour.

3️⃣ Définir des objectifs SMART

Clairs, mesurables, atteignables. Ex. : « Réduire de 50 % le temps de génération de devis sur 3 chantiers d’ici Q1 2026. »

4️⃣ Tester en conditions réelles

Choisissez un chantier, un lot ou une équipe. Testez pendant 4 à 6 semaines. Collectez données + ressentis terrain.

5️⃣ Mesurer le gain

Analysez temps gagné, erreurs évitées, retours des utilisateurs. Ajustez ou changez d’outil si nécessaire.

6️⃣ Former et accompagner

Créez des tutoriels internes, nommez un “champion IA” par équipe, organisez des sessions courtes. Le frein est rarement technique, il est humain.

Conclusion

L’IA est prête pour la construction. Les gains arrivent vite quand on commence petit et qu’on mesure chaque pas. Souvenez‑vous :

• Qualité des données avant tout.
• Pilotage humain : l’expertise terrain reste la référence.
• Boucles courtes : tester, mesurer, ajuster.
• Partage des réussites pour lever les freins.

Commencez par un audit interne cette semaine. Choisissez un chantier pilote. Dans trois mois, vous aurez vos premiers indicateurs de retour sur investissement et une équipe motivée pour la suite.

FAQ

A quelles tâches s’appliquent l’IA dans la construction ?

Traiter des données métier (photos 360°, modèles BIM, documents PDF, historiques de coûts…) pour automatiser ou améliorer certaines tâches : détection de problèmes, génération de rapports, prédiction des dérives de planning ou comptage d’éléments.

Quels sont les bénéfices concrets ?

– Gain de temps sur les tâches répétitives.
– Moins d’erreurs grâce à l’analyse automatisée.
– Meilleure décision avec des alertes précoces sur planning, budget ou qualité.

Et les inconvénients ?

– Nécessite des données propres : plans à jour, bonnes photos, nomenclatures cohérentes.
– Fiabilité variable selon le contexte : les modèles IA ne remplacent pas une relecture humaine.
– Questions de confidentialité : attention à l’usage d’outils en ligne avec vos données sensibles.

Comment démarrer un projet IA sur chantier ?

Commencez par un audit de vos processus. Sélectionnez une tâche simple mais à fort impact (par exemple le comptage sur photo, la génération d’un devis ou le suivi d’avancement). Testez pendant 4 à 6 semaines un outil SaaS ou un plugin BIM sur un périmètre limité.

L’IA va‑t‑elle remplacer les emplois ?

Non. Elle automatise les tâches mécaniques, mais l’analyse, la coordination et les arbitrages restent humains. Ce sont les équipes qui savent utiliser l’IA qui prendront l’avantage, pas celles qui la subissent.

Est‑ce vraiment fiable ?

Oui, à condition d’avoir un bon cadrage mais un contrôle humain reste indispensable avant toute décision engageant votre responsabilité.

L’IA respecte‑t‑elle la confidentialité des données ?

• Si vous utilisez un outil en ligne (ChatGPT, Copilot…), vos données peuvent transiter par des serveurs distants.
• Pour éviter les risques : désactivez l’entraînement du modèle, choisissez un hébergement local ou souverain, ou utilisez une version entreprise.
• Certains modèles open-source peuvent être installés sur vos propres serveurs pour garantir la souveraineté totale.